11h30, Philippe est occupé à débiter quelques troncs quand tout à coup nous parvient un ronronnement familier. Très vite, on aperçoit un point lumineux qui s'accentue à toute vitesse, le phare de la moto neige. Quelques secondes plus tard, Jonah arrête sa machine à côté de la terrasse. Il apporte un gros sac de baniks (donuts eskimo), du pain, du beurre, de la confiture. On fait du café. Il a quitté Paulatuk à 8h ce matin. Évidemment, n'a rien mangé. Il a semé en cours de route un traineau. La courroie s'est rompue. On le prendra au retour. C'est au cas où l'on trouverait des caribous. En venant, il n'a vu que des traces de loups mais cela veut quand même dire que les caribous ne sont pas loin. En général, ils précèdent et rejoignent la harde pour prélever eux aussi leur quota. Fourbu et souriant, Jonah nous donne des nouvelles du village. Il a raconté à tout de monde qu'il avait maintenant une nouvelle famille dans le bush. Ça l'amuse. Tous lui demandent qui c'est. Ça l'amuse. Philippe a aménagé une cloison dans la pièce principale, installé une porte et deux lits superposés de façon à pouvoir chauffer la pièce en hiver, rapidement avec seulement le poêle à bois. Ça lui plaît beaucoup, il ne cesse de le répéter. Mais nous devons repartir le jour même. Georges a besoin de son skidoo et l'Horton River a commencé à dégeler par endroit, elle amorce sa débâcle. Il ne faut pas traîner. En partant récupérer la bâche qui recouvre notre trou, je fais une dernière tentative de pêche. De grands mouvements du coude avec une chanson lancinante et soudain, hop ! Voilà une autre truite. La première de ma vie, je crois bien ! Trop fière !!! Je me contiens mais ce soir c'est moi qui nourrirai la troupe. Il nous reste un oignon, je crois et quelques tranches de bacon, en arrivant, au four, ce sera parfait !
Puis c'est à nouveau le long voyage de retour. Face au soleil, cahotant, merveilleux, éreintant. On arrive au village en fin de journée, dans des volutes dorées de blizzard qui s'est relevé.
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