À peine 6h que déjà s'affaire Jonah. Tronçonneuse, poêle, craquement, la porte vitrée coulisse, des casseroles s'entrechoquent. La neige mise à fondre est prête pour le café. On s'arrache à la torpeur du duvet, le soleil déjà haut rentre à flot dans la pièce. En fait, Jonah doit repartir le jour même à Paulatuk, il a convenu de prêter son skidoo à Georges lequel emmène un touriste traquer et tirer l'ours polaire. L'affaire de 2, 3 jours tout au plus, ensuite il sera de retour pour chasser le caribou. Ceux-là ne devraient pas tarder à arriver. Entre temps je fais l'inventaire des ressources nutritives de la maison. Aïe ! Pas de farine. Malgré l'assurance de Jonah « Ne vous chargez surtout pas, il y a beaucoup de nourriture sur place et de le farine !» Oh oui !!! Beaucoup !! Il y a effectivement de nombreux sachets de poudre: farce à poulet, préparation pour crème anglaise, garniture de gâteau indescriptible dont les dates de péremption s'échelonnent entre 2004 et 2009 pour la plus récente. Quant aux boîtes de soupe, elles se sont gélifiées dans leur container. Dans les bonnes choses, il y a un gros stock de sucre et de café. Et pour le reste, on a prévu un minimum que l'on fera durer.
10h, Jonah s'affaire toujours. Je prépare un autre pot de café pour son thermos de retour, garnis son bol d'une grosse louchée de porridge qui sera suivi d'un hamburger de bœuf musqué. Je commence à cerner le personnage. Pour lui la nourriture est bien venue et si c'est prêt, il fait volontiers honneur aux plats, par contre s'il n'y a rien, il s'allume une clope et continue à vaquer à ses occupations sans se préoccuper davantage de se nourrir régulièrement. La radio crachote, gargouille, siffle, répercute des bribes de conversations. Jonah échange quelques mots puis nous laisse d'ultimes recommandations, son fusil avec une quantité de munitions au cas où l'on croiserait perdrix ou lièvres. De toute manière, on reste en contact radio sur le 705 indicatif de Bekere Lake avec deux appels quotidiens 9h /21h. Puis il démarre sa moto neige, dévale le talus et s'éloigne. Petite mouche bourdonnante sur la blancheur du lac.
Le silence retombe lentement et nous enveloppe. Nous échangeons tous trois des regards entendus… Agathe finit par glousser " On a intérêt à ce qu'il revienne nous chercher ! "
Certes …
En attendant, on se fait une petite liste des choses à faire :
- tailler un trou dans la glace pour pêcher
- couper du bois (il y a plein d'arbres morts sur le pourtour du lac)
- s'entrainer à tirer au fusil (déjà savoir le charger)
- jouer aux cartes (on a recensé au moins 5 paquets neufs)
- faire la lecture de Dracula (notre sélection du mois, le cadre semble idéal pour l'ambiance)
- observer les animaux (les écureuils et les oiseaux)
Il nous semble que le plus important est le trou dans la glace. Étant entendu que nous ne disposons ni d'une fraiseuse à glace (une tarière motorisée qui te permet de faire ton trou en un quart d'heure) ni même d'un simple "chisel" (outil plus traditionnel qui se présente sous la forme d'une longue perche dotée d'une pièce métallique coupante) et que la glace mesure environ 1,5m nous jugeons préférable de nous y mettre sans plus tarder.
A 200m de la rive face à la maison, nous commençons par enlever 30cm de neige sur une surface d'environ 4m2 puis Philippe trace un rectangle à la tronçonneuse et entame la glace en la rainurant. Nous cassons ensuite les blocs à la hache. Il faut régulièrement déblayer le trou des débris. Pleins d'entrain sur les premiers 40cm, notre régime accuse une brusque faiblesse lorsque de sombres pensées nous assaillent telles les promotions de saumon de Norvège du supermarché à 7 euros le kilo avec leurs filets écaillés, découpés. Une pause s'impose. En fin d'après-midi nous atteignons le 3ème niveau (un niveau correspondant à une longueur de lame de tronçonneuse) et décidons d'achever le trou le lendemain.
(A suivre)
haha, génial!
même avec le chisel, je pense que ça n’aurait pas été une mince affaire…
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