Redoux, débâcle et pataugeoire, par CZH et Phil le marin

Argo Bay, 13 mai 2014

En quelques jours, le mois de mai et ses violentes tempêtes de Sud nous ont fait changer de décor. Les collines blanches sur fond blanc ont cédé la place au vieux cuir brûlé et râpé de la toundra. Anéanties par les rafales d'air chaud, les congères se sont liquéfiées sur la banquise créant flaques, mares ou étangs dans une jolie palette de bleu aux accents de lagon polynésien.

Le gros nid rembourré du Manguier s'est transformé en un véritable petit lac et le bateau toujours scellé dans la glace a repris sa fonction d'île. Craignant cette rapide montée des eaux, il a fallu déménager la motoneige en vitesse et franchir une zone de banquise noyée sous 40 cm d'eau.

Ne se sentant pas totalement à l'aise avec la conduite en condition d'immersion, Philippe a jugé préférable de prendre quelques précautions, comme par exemple obturer les bouches d'aération du moteur par des bandes de ruban adhésif ou encore assurer la flottabilité de l'engin en fixant de grosses bouées à l'avant des skis et enfin se munir d'une combinaison étanche avant de s'élancer dans la purée de neige fondue. Néanmoins, le tableau vaut son pesant de cacahuètes : Philippe entièrement recouvert de néoprène orange digne d'un Casimir en costume de Jedi, enfourchant son skidoo surmonté de gros ballons roses et pétaradant dans une grande gerbe d'eau ! On croise les doigts pour ne pas rencontrer de natif, mais comme qui dirait " un instant de gêne est vite passé ". Au moins, la motoneige est sur la terre ferme et le capitaine est resté au sec.

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Il faut dire que quelques jours auparavant, nous avions eu la visite de Jonah. Gentille et attentionnée mais qui s'est soldée par plusieurs heures à patauger, de l'eau jusqu'aux genoux, avec pelle, palans et planches pour extraire du sorbet skidoo et traineau. Toute cette eau, c'est normal nous a-t-il dit, elle va finir par s'écouler dans les fissures de la banquise. En attendant, elle est bien là, et elle monte, monte le long des flancs du Manguier. Le désagréable sentiment de couler à sec … Depuis, on assiste de loin au va et vient des chasseurs qui contournent prudemment notre îlot et qui partent chasser l'oie.

A bord, on surveille attentivement l'assiette du bateau, la proue s'est relevée d'environ 40cm tandis que l'arrière, avec quille, hélice et gouvernail, n'a pas pu monter, encore solidement pris dans la glace. Que se passe-t-il là-dessous ? L'avant du bateau qui monte et l'arrière qui ne bouge pas ? Le Manguier va t il se retrouver plié au milieu ? Angoisse …

Pour tenter de faire baisser le niveau de notre lac qui n'est pas s'en rappeler les douves de quelque obscur donjon, nous avons creusé un chenal dans la neige fondue, mélasse à la fois lourde et insaisissable. Cela semble avoir fonctionné, l'eau a nettement baissé. Mais le Manguier, lui, n'a pas baissé pour autant. De la glace s'est-elle reformée sous sa quille ?

Une chose est sûre, nous explorons un nouvel élément, mi solide mi liquide, posé sur du solide (la banquise) qui repose sur du liquide (la mer) et sur lequel il faut apprendre à évoluer. Pas vraiment à l'aise …

Lagon


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