Le coup de vent a viré au Nord Est entrainant Le Manguier vers un autre abri, juste derrière le cordon de sable qui ferme la baie. De l'autre côté, les vagues du large mugissent avec une rumeur de barre de corail. Ça piaule dans les mâts et les haubans, ça vibre, ça ronfle.
Bonne nouvelle, notre marabout-de-ficelle accuse bien le coup et nous emmaillote d'une réconfortante pellicule isolante.
Le paysage qui apparaît à travers la brume, se décline en bleu, gris et blanc. La petite troupe de cannes eiders qui se regroupaient autour du Manguier ces jours derniers a disparu, prenant elle aussi son envol.
Sur la plage, il ne reste de tous ces oiseaux que quelques plumes, lourdes de glace. Rusty déniche une paire d'ailes blanches encore reliées par les os, elle s'en empare, détale, découpant sur le talus une étrange silhouette de chimère. Mais un chien ailé, quoi de plus naturel dans ce pays de légendes peuplées d'animaux qui se jouent des races et des frontières ?
J'empoche une plume noire ornée de deux petites taches blanches à l'extrémité. Une plume de loon (plongeon). Agathe nous a lu l'autre soir l'origine de ces taches. Elles rappellent un collier de pierres blanches qu'une mère offrit à l'oiseau pour le remercier de lui avoir rendu son fils disparu.