Une touffe de poil, un fragment d’os, un crâne, le squelette d’un mammifère marin, la carapace d’un crustacé amplifient le lien invisible que les hommes entretiennent avec les animaux.
La structure ossuaire est le dernier élément visible présent après la mort. En traversant les siècles, ce vestige reste un témoignage sensible du vivant et de son incarnation. Chaque essence animale a son énergie propre, à laquelle on fait souvent référence comme
un gri-gri, un emblème ou une amulette. Dans la tradition inuite, l’esprit de l’ours polaire est lié à la tradition chamanique féminine. Il est conté que « L’animal totem » est si puissant qu’un chasseur accepterait d’être mangé par lui, pour se réincarner en chamane.
Les ossements revêtent un caractère symbolique et matérialisent le monde de l’immortalité.
Dans les angles et recoins du bateau, le capitaine a des trésors écailleux, fibrilleux, coquilleux et pour le moins silencieux. La maison du Capitaine regorge de merveilles corporelles et mystiques. Dans son antre, sur le pont, dans son ventre et au panthéon. Les bois de cerf cloutés aux murs des cabines, à fond de cale, s’affrontent et défient le bœuf musqué livré aux tempêtes boréales. Le museau face aux bourrasques, le givre s’insinue, pénètre ses cavités ossuaires alambiquées tandis que, dans de la timonerie, les plumes du goéland attendent patiemment l’envol printannier.
Tout ce petit peuple, cette matière fantôme, a fait allégeance, escorte le matelot et son rafiot jusqu’aux latitudes blanches.
De petites statuettes en os, des cros d’ours, des lames de fanons échevelés décorent l’enceinte boisée du vaisseau, s’articulent sous les étincelles des bougies tout à côté des crânes d’animaux blanchis par le sel. Ces colifichets habitent la maison de Phil et les amulettes protectrices, accompagnent ses rêveries. Toute une fantasmagorie le guide, lui et sa compagnie, vers un monde infini.
Férial Abdallah-Khodja
Artistes en Arctique 