Au Groenland, par Aurélie

Tout paraît immobile, et pourtant on a rarement vu un vent aussi sec, des chiens aussi forts, une poésie violente concentrée dans une si folle simplicité.

Ici, la blancheur des collines met en valeur le rouge, le vert ou le violet, mais aussi les autres blancs, des vêtements de peau, des cieux enneigés, des glaces teintées de bleu ou de vert, selon la lumière du jour.

Tout se remarque et se détache des horizons, car il y en a quatre, dont deux qui se rejoignent, une mer, un petit plateau, une colline, une mer.

Par exemple : une motoneige qui disparaît et réapparaît au bout d’une piste bosselée; l’hélicoptère d’Ilulissat atterrissant sur le carré délimité, non loin de la dernière maison; un iceberg, reposant sur le trait horizontal du ciel et de la mer; les anciens rivés à leurs jumelles, postés sous les antennes paraboliques sur le plus haut point du village, juste avant la plongée dans la mer.

Ils observent les flots survolés de nuées de mouettes, signalant la présence des précieux narvals. Des femmes les rejoignent et recueillent la nouvelle : demain, les hommes partent à la chasse.

C’est à se demander si nous avons le même épiderme, – moi qui ai survécu à trois petites heures de bateau, n’ayant rien vu d’autre que des cavaleries d’eiders nerveuses et pressées dans le vent glacial, – eux, les chasseurs, que j’attends encore trois heures au port. Ils accostent enfin, sans narval. Des hommes victorieux pourtant, qui partagent des phoques pris au large, dépecés sur le port alors que le jour tombe en distillant sa lumière. Il est quatre heures de l’après-midi.

Passent alors ceux qui sont restés au village. Un vieil homme s’assied sur une pierre et fait un brin de causette avec celui qui coupe la peau, fend les entrailles, détache les organes. Puis il glisse quelques morceaux de viande tiède dans un sac en plastique en remerciant le piniartoq (le chasseur, premier mot appris ici). Ichlichlou (illisu), de rien, répond simplement celui qui offre, et quelqu’un d’autre arrive pour la collecte.

Les restes sont jetés aux mouettes, qui se disputent un bout d’intestin. Les derniers servis sont les chiens, qui appellent par de longs hurlements, se terminant en chants plaintifs de bête repue.





Photos Aurélie Mertenat


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