Mon cœur s’envole vers Maria, sa coiffure de fillette indienne, son corps mince et léger, ses vêtements de couleurs vives, ses yeux rieurs et bienveillants. Mon cœur veut se poser sur l’épaule de Maria sans âge, bécoter sa joue brune et danser quand elle danse.
Maria a des albums photo des étés d’archéologie, les plus beaux de sa vie. Avec d’autres jeunes gens, ils fouillaient les paysages magnifiques du Groenland, y découvrant des couches de civilisations différentes, Saqqaq, Dorset et Thulé. Elle a fait cela jusqu’à ses vingt-six ans. À cette époque elle avait les cheveux courts et ressemblait à un jeune garçon.
Maria est née à Aasiaat en 1963. À l’école on la trouvait intelligente et vive, les autres enfants se détournaient d’elle, elle se réfugiait dans les livres. Déjà elle dessinait et peignait. Maria a des fêlures qu’on voit sur ses peintures. Maria a un autoportrait qu’elle n’expose pas, son visage sanglant terrifié entre les crocs d’un ours polaire.
Un voyant de Nuuk a dit à Maria qu’elle a vécu au 16ème siècle en Amérique du Nord. Maria lui fait confiance. Elle a toujours été fascinée par ces Indiens-là. Je me dis que peut-être un des ancêtres inuit de Maria a enlevé une femme indienne au nord du Canada. Maria a peint plusieurs tableaux qui représentent des Indiens des Plaines. Et d’autres avec Bouddha. Et aussi avec la Croix.
Les ancêtres inuit de Maria, vêtus de peau de phoque, sur un de ses tableaux, se gaussent et s’interrogent en regardant, dans une boule de cristal, leurs descendants boire de l’alcool et fumer du haschich.
Un autre aïeul de Maria est un Danois né en 1756, qui est venu chasser la baleine au Groenland à l’âge de 21 ans et y a trouvé femme.
Maria signe ses tableaux Mari. Maria parle des autres, par exemple de sa nièce qui est à Nuuk, une si bonne artiste. Maria ne se met pas en avant. Maria médite. Maria traduit des livres, du groenlandais au danois et du danois au groenlandais, des histoires pour enfants et des cours de maths pour les grands.
Aujourd’hui, mon cœur s’envole et se réjouit qu’elle soit venue dire ses poèmes (publiés dans le recueil collectif Inuusuttut taalliaat 100 [1]) avec les miens au vernissage de l’exposition Bateau-Givre de Claire et Cécile au musée d’Aasiaat. En voici un :
INGERLAARTUARFIK ?
Siumut-
qummut
ammut,
assut
imma-
Kaavittuarfik !
Transposé en français :
LA VIE ORDINAIRE ?
En avant !
Ça plane !
Patatras !
Gonflé à bloc
… comme une estrasse.
C’est rien, c’est la roue de la vie !
Mon cœur plane que Maria ait prêté sa voix pour cette lecture dont je rêvais, mariant les langues groenlandaise et française.
Pour contacter Maria: uamari40 (at) gmail.com
[1] Editions Atuakkiorfik, 1990



Peut-on les écouter ? Les avez-vous enregistrés ? Les mots se font musique à écouter 😉
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