L'embacle avait été tardive, mais une fois la mer gelée le froid s'était rapidement installé, et le Manguier s'était douillettement retrouvé pris dans sa gangue de glace pour l'hiver …
Une grande partie de mes réflexions de l'hiver tournait autour de la débâcle. Comment se passerait elle ? J'avais beau prendre la question dans tous les sens, je ne trouvais qu'une une seule réponse: ça serait le merdier ! De fait, c'est un gros merdier. Je m'explique.
Argo Bay, la seule baie du coin accessible au Manguier à distance raisonnable de Paulatuk est une grande baie. Imaginez la baie de St Florent prise dans les glaces (LA référence !). La fin du printemps arrive, Lolo a mis les tables dehors, ça commence à dégeler … L'Aliso, venant de terre et donc plus chaud, fait fondre en priorité les glaces sur le bord. Petit à petit, toute la banquise à l'intérieur de la baie se fracture. Mais la banquise dans Argo Bay faisait environ 1,50m d'épaisseur. Et ça fond quand même pas très vite dans une eau à 2°C … La banquise disloquée flotte au gré des vents, par ci, par là …
Hier matin, vent de NE. La glace nous enserrait à nouveau. Avec la pression du vent, les plaques de banquise se chevauchent (en anglais on dit "pile up"), et cet amas de glace représente un poids phénoménal, en face desquelles les 100 tonnes du Manguier font figure de plumes. Sans pouvoir faire quoique ce soit, petit à petit, la banquise nous poussait vers la côte, entrainant avec elle Manguier, chaine et ancre… Jusqu'à ce qu'on touche le fond ! Echoué vous me direz, on ira pas plus loin … De fait ! Mais encore faut il pouvoir s'en sortir ! Une fois de plus, les 450 ch du Baudouin ont été appréciés. On a pu se dégager, jouer au brise glace (heureusement elle commence à être plus mollassonne) et remonter l'ancre. Question suivante: faut il remouiller, au risque de voir péter la chaine sous la pression des milliers de tonnes de glace, ou faut il se laisser pousser à la côte ? Je choisis de mouiller très long, et de laisser filer de la chaine jusqu'à ce qu'on se plante dans la vase, ce qui permettra de se déséchouer plus facilement …
Mais en fin de journée, le vent s'en est allé, heureux de nous montrer qu'il est bien le Maître, ici comme ailleurs … Le bateau est coincé dans les glaces, mais elle ne pousse plus. Avec encore plus de 20 cm d'eau sous la quille (un luxe !), nous nous sommes plongés dans un bon pastaga + Indiana Jones, puis dans les bras de Morphée …
Ce matin, au réveil, plus trace de glace ! Elle est là-bas, à 200m à l'est. Partie sur la pointe des pieds pendant la nuit, sans qu'on entende rien (effet secondaire du pastaga ?). Nous remontons l'ancre, profitons d'un petit couloir d'eau libre et suffisamment profond pour nous glisser de l'autre côté de la baie. Ouf ! Pour cette fois-ci, on s'en sort avec un bon lustrage de printemps de la quille ! Il lui fallait bien ça pour démarrer la saison !
Je le redis : » tu es trop fort, vous êtes trop forts ! » et ….viva la libertad
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la glace, elle est partie dans le pastaga je parie…
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