Un triste pèlerinage pour notre premier jour de soleil

Depuis notre arrivée à Akunnaaq, je trouvais toujours un fallacieux prétexte pour ne pas orienter mes pas vers Qammavinguaq … A la pointe ouest de cette baie, le Manguier gît, inerte, couché, sans vie … Jusqu’à présent, le temps était instable, beaucoup de vent, de la neige, des températures anormalement hautes rendant la glace peu sûre. Il y avait de bonnes raisons de ne pas s’aventurer jusque là …

Mais en voyant le ciel clair et constellé d’étoiles, hier au soir, je savais qu’aujourd’hui il me faudrait y aller.

En arrivant au col qui domine Qammavinguaq, on aperçoit au loin le bout du mât qui dépasse de la pointe. Il faut marcher encore bien 45 mn pour arriver jusque là-bas.

Que dire ? C’est un spectacle terrible et en même temps tellement étrange que de voir Le Manguier enveloppé dans son linceul de glace. Je ne l’imaginais pas autant recouvert, mais il est vrai que chaque marée dépose un peu d’eau de mer qui fige et ajoute couche après couche à l’épaisseur de glace. J’essaye d’imaginer l’intérieur. Je sais où chaque chose se trouve, j’imagine … En fait non, je m’arrache à ces rêveries macabres, les seules choses auxquelles je me raccroche sont des questions purement techniques et matérielles. Comment faire pour le tirer de là …

Tout autour c’est le calme absolu. Pas un souffle de vent, le silence total. Sur la neige, des dizaines de traces de lièvres et de renards arctiques sont là pour attester que la vie ne s’est pas figée pour autant. Tous sont venus voir cette étrange bestiole. Il y a même des petits pas qui se sont hasardés à bord.

Ce spectacle est d’une infinie tristesse et d’une poignante beauté.

En rentrant, je pense à cette phrase de Saramago, tiré du Conte de l’île inconnue, si souvent lu à bord:
« (…) Mais c’est ainsi que le destin en use d’habitude avec nous, il est sur nos talons et déjà il tend la main pour nous toucher l’épaule, alors que nous sommes sur le point de marmonner: Tout est fini, il n’y a plus rien à faire, c’est toujours pareil. »


2 réflexions sur “Un triste pèlerinage pour notre premier jour de soleil

Laisser un commentaire