L’hiver

Si novembre fut l’entrée progressive dans l’hiver, décembre fut l’hiver avec tous ses attributs. L’hiver sombre. L’hiver qui n’a pas encore complètement sa carapace blanche et glacée qui fige l’eau noire de la mer, immobilisant aussi le temps. L’hiver d’avant le solstice, celui qui nous laisse trois heures de clarté, celui où l’on est forcé d’imaginer ce que l’on ne voit pas dehors. L’hiver de la nuit, des rêves, des cauchemars. Le mois de résidence de décembre fut un mois d’hiver froid, neigeux et venteux, de l’avis même des gens d’ici. Froid jusqu’à -19°C le matin de Noël. Neigeux jusqu’à devoir déblayer de nouvelles congères devant la porte un jour sur deux. Venteux à en déraciner les ancres. Un mois d’hiver peuplé d’imaginaire, silhouettes furtives dans la neige et la pénombre, maison grinçante dans le vent, angoissant et magnifique, fascinant et bouleversant. Mais il a aussi donné, au milieu des rafales, quelques journées calmes et claires nous laissant furtivement attraper une lueur de soleil, glacée mais rassurante. Nous étions alors de petits points noirs, vacants dans notre solitude recherchée, au milieu des étendues blanches, écoutant les gémissements du lac ou cherchant les renards.

Nous avons passé un mois dans un climat assez rude mais heureusement dans un village très accueillant. Nous avons été content de la soirée de présentation en début de résidence, où de nombreux villageois sont venus rencontrer les quatre artistes de décembre, Émilie, julien, Laurie et Ludmilla. Puis invités à deux soirées de Noël, nous nous sommes mêlés avec plaisir aux repas et aux rires, dans la chaleur intense de la salle commune. Chantant comme on pouvait et recevant un cadeau comme chaque habitant présent. Ludmilla et Julien ont partagés à cette occasion quelques airs de Noël, avec flûte et guitare. Oubliant le blizzard nous nous sommes fondus dans ces invitations partagées. Les vacances ont amené des gens de la ville, revenus au village pour fêter en famille. Des maisons inhabitées jusque-là se sont alors allumées. Depuis le village s’anime et prend des airs de fêtes quand le vent se calme. On se balade, on se visite. On se croise, on se salue. Les motoneiges arpentent les lacs et les sommets. On cuisine des gâteaux. Les enfants font du ski de fond jusque tard dans la nuit ou dégringolent en glissant depuis la grande étoile en haut de la colline. La nuit, la neige et le vent ne sont pas ici des raisons pour ne pas aller dehors.

Noël juste passé, la glace a figé le port. Elle progresse maintenant vers le large. L’hiver prend sa forme immobile, annonce la fin du mois de décembre. La mer va devenir blanche et la nuit diminue, le soleil progresse vers l’horizon, ramenant la lumière.


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