21 février, Marée, par Louis

Cette grande étendue blanche, plate et lisse sur laquelle on marche et on se rappelle qu’il y avait des vagues, des embruns, une profondeur sombre et le Manguier qui flottait dans la nuit de décembre. C’est maintenant une surface dure où l’on se promène et où j’ai vu pour la première fois un renard, parti en courant en me voyant. On marche sur la banquise comme on marche sur la terre. Mais on grimpe, on glisse, on patauge, on saute de l’une à l’autre. Car à la fin de la banquise et au début de la terre, la mer nous rappelle qu’elle existe. Dans des couleurs bleues, translucides, presque turquoises, la lisière des deux mondes est mouvante. En quelques jours, le passage, la plage au bout de la baie, en pente douce, le chaos des blocs chamboule tout. La marée. Elle monte et descend ne laissant jamais le temps à la banquise de s’accrocher. Surface immense, qui monte et qui descend, d’un bloc. L’eau monte parfois plus vite que la glace et forme des piscines d’un sorbet bleu et glissant où l’on ne se risque pas. Et quand elle redescend, la glace craque et s’effondre, les plaques se superposent et s’amoncellent. Tout se passe lentement et de jour en jour tout change. Au fond de la baie, notre passage est bouleversé, une crête s’est formée où au fond doivent reposer des rochers. On croirait le temps figé mais la banquise est trompeuse, elle vit. Jusqu’où iront ses pyramides de glaces ? Nous sommes là, nous l’attendons et profitons de n’avoir rien d’autre à faire. Nous l’observons, qui craque, discrète.



5 réflexions sur “21 février, Marée, par Louis

  1. La parole de Louis est rare ! Rare et belle. À la deuxième lecture, tout autour de moi a commencé à craquer et à bouger. Magique!

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  2. La parole de Louis est rare! Rare et belle. A la deuxième lecture tout autour de moi a commencé à craquer et à bouger. Magique! (c’est mieux sans faute)

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