On a quitté Meltemfjord et ses prometteuses sources d’eau chaude qui se sont avérées toutes relatives. Cerné d’austères montagnes basaltiques, plombé par la brume, battu par tous les vents qui s’y précipitent en siphon, le Meltemfjord s’est offert à nous lugubre et renfrogné. Attirés par les annotations de la carte et les racontars de précédents marins bretons, nous rêvions déjà de bassins fumants et glougloutants à même la toundra, de vasques bordées de miroitantes dalles incrustées de quartz, alimentées par une eau abondante à la température capable de faire dissoudre la crasse cumulée de dix jours de randonnées, pêche frénétique et dépeçage de morue. Les douches à bord du Manguier ne sont pas monnaie courante et l’usage de l’eau douce se cantonne à la cuisine et la vaisselle.
Ainsi, selon la carte, une source devait se tapir sur la rive opposée. Un équipage fut envoyé en reconnaissance. Cramponnés aux bords de la chaloupe, nous avons longé les parois du fjord à l’affût de végétations luxuriantes ou de fumerolles susceptibles de révéler l’emplacement de la précieuse « warmkilde ». Soudain, au détour d’une pointe, un rocher sur les hauteurs plus brillant crénelé de mousse vert pomme attira notre attention. Pas de doute une source s’écoulait. L’accostage dans la houle et les rochers ne fut pas très aisé mais stimulées par l’espoir et le message non moins galvanisant du capitaine (« allez les filles , n’oubliez pas : Never give up, never surender ! »), nous nous lançâmes à l’assaut du ruisseau. Nous eûmes tôt fait d’y plonger la main….
Hmmm, c’était effectivement légèrement au dessus de la température des torrents. Quoi ? 11° ? 12° ? En tous cas pas de quoi s’y vautrer avec délectation. Peut-être étions-nous trop bas, l’eau avait elle eu le temps de se refroidir sur les 300m de dénivelé ? Sûres qu’à la sortie du robinet là-haut ce devait être bouillant nous entreprîmes sans plus attendre l’ascension de la falaise. Hélas nous eûmes beau monter, la température elle ne changea pas de façon notable. En revanche la suée que l’on prit dans la montée eut raison de notre frilosité. Nous nous arrêtâmes sur un surplomb où l’eau s’accumulait et faute de se tremper intégralement nous opérâmes à un lavage de cheveux fort bien venu. L’eau légèrement sulfureuse se révéla supportable et très douce. Puis nous tombâmes sur de grosses touffes de jeunes pissenlits qui profitaient également de ces quelques degrés supplémentaires pour s’épanouir. Crouic !
Et c’est ainsi que chargés de verdure et le cheveu léger nous regagnâmes le bord.
Au moins avions-nous enrichi notre répertoire danois : « warmkilde ».

