Un break dans le bush, Bekere lake, 22 avril au 3 mai 2014 par CZH

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Tandis que les agapes pasquales s’achèvent, nous préparons notre séjour dans le « bush ». Pour situer le lieu, il s’agit de l’un des camps de Jonah qui se trouve à une centaine de km au sud de Paulatuk au niveau de la tree line. Ce « camp » résulte d’une tentative d’association mixte blanc-eskimau entre Garry sorte d’aventurier business-man de l’Arctic et Jonah natif de Coppermine, habitant de Paulatuk et excellent guide de la région qui a abouti à la construction d’une lodge de luxe en pleine nature sauvage pour y faire venir de fortunés européens ou américains amateurs de chasse et de pêche. Jonah en tant que natif du pays avait droit d’achat sur la terre et en tant qu’homme du pays, constituait un guide de premier choix. Ajoutons à cela qu’il est doté d’une grande patience et d’une gentillesse très attentionnée.

Garry avait pour lui l’appât du gain, l’esprit d’entreprise, le goût du travail rondement mené façon nord-américaine. L’association a duré un certain temps, a évolué d’une certaine façon et abouti à une rupture certaine où selon ce que l’on a pu comprendre Jonah s’est vu dédommagé en nature en récupérant la lodge en question. Un bâtiment de haut standing au milieu de nulle part, accessible en moto-neige de mi-décembre à mi-mai. Il faut en effet attendre que la glace soit suffisamment épaisse pour franchir les multiples lacs et rivières. A moins d’avoir les moyens de se faire déposer en avion (pour cela, compter environ 3000$) depuis Inuvik.

Maintenant tout appartient à Jonah et lorsque toutes les conditions sont réunies (suffisamment d’argent pour remplir les réservoirs, de temps pour rester hors du village, de compagnons pour ne pas voyager seul) il y fait bon passer quelques jours loin de tout à pêcher et chasser. Pour Jonah c’est l’escapade du bonheur d’autant meilleure que les occasions sont rares.

22 avril donc : nous avons bouclé nos bagages emportant le strict minimum. Nourritures, rechanges, sac de couchage, quelques livres. Jonah a aménagé son traineau sur lequel Agathe et moi voyagerons. Une haute planche nous servira de dossier. Une couche de cartons aplatis tapissent le fond surmontée d’un matelas. « To travel like a queen » me dit-il ! Les bidons d’essence sont ficelés sur l’avant. La glacière contenant sandwichs et café chaud ficelée sur le coté entre de multiples cartons. Je cale fusil et carabine de l’autre côté me glisse sur le matelas, attrape Agathe que je coince entre mes jambes. La température voisine 0° C. Le soleil brille. Il est environ 14h. C’est parti !

Cécile Agathe traineau

Temps escompté du trajet : entre 6 et 7 heures à tracer la piste. Les paysages défilent dans le sens contraire de la marche. Magnifiques. Vallons, gorges, lacs, plateaux à perte de vue. La piste alterne neige moelleuse, crevasse croutées, bosses de terre ou de glace.

Sur le traineau on s’accroche comme on peut, on amortit les bosses comme on peut. Tentant de faire contrepoids quand les patins s’enfoncent dans les ravines ou rattrapant de justesse un bidon d’huile mal arrimé. Petit à petit, nous commençons à apercevoir des arbres, d’abord de minuscules bosquets de sapins comme des îlots de forêt miniature ne dépassant pas un mètre de hauteur. Puis sans être une forêt dense, les arbres se font plus drus, plus hauts, plus épais. Ce sont essentiellement des spruces, semblables à de grosses arrêtes fichées dans la neige, tout à la fois velues, hirsutes et dépenaillées. Des arbres tout de même qui dégagent quand on s’y penche, une bonne odeur de résine astringente.

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A mi-parcours, on fait une pause juste après les méandres d’Horton River. C’est la "gaz station". L’endroit où l’on alimente les réservoirs et dépose le surplus de bidons  de carburant nécessaire au trajet du retour. Pause café aussi. Pause pipi. On se déplie, ça craque dans toute la colonne vertébrale. Le temps de réajuster ses os dans le bon ordre et c’est reparti !!! Encore deux heures et demie environ. La neige se fait plus profonde et masque les embuches. Notamment une souche entrave brusquement dans une descente  les courroies de halage du traineau, faisant déraper la moto neige de Jonah et nous éjectant dans la poudreuse. Plus de frayeur que de mal. On s’ébroue, la neige me parvient à mi cuisse ! On se rassure et repartons de plus belle.

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Enfin, plus que trois milles ! Nous chargeons un tas d’arbres morts, coupés et mis en réserve par Jonah et Phil lors de leur précédent séjour en février. Encore un lac, deux lacs et nous y sommes !! Bekere lake !! Une ultime propulsion nous fait gravir un talus et nous stoppons à côté d’une terrasse, plein pied de la lodge. J’aperçois une bordure de toit rouge rutilant, une façade au bardages de bois entrecoupée de grandes baies vitrées et surmontée d’un trophée majestueux de bois de caribou.

Bekere lake

A suivre …

Off in the bush, Bekere Lake, April 22 – May 3 2014, by CZH

While Easter celebrations are coming to an end, we're preparing our stay in the "bush". So as to locate the place: it is one of Jonah's camps, which is a hundred miles south of Paulatuk at the tree line. That "camp" comes from an attempt of White-Eskimo mixed partnership between Garry, sort of adventurer business-man of the Arctic, and Jonah, native from Coppermine, resident from Paulatuk and excellent guide in the region, which led to the construction of a luxury lodge out in the wild with the aim to attract wealthy European or American hunters and fishers. Jonah as a native of the country had a right to purchase the land, and as a local man, was a guide of choice. Moreover, he is highly patient and has a very caring kindness.

Garry had the profit motive, the entrepreneurship, the appreciation of the work smoothly conducted, North American way. The partnership lasted for some time, evolved in a certain way and led to a definitive split where, according to what we could understand, Jonah has been compensated in kind by getting the lodge back for himself. It's a high end building in the middle of nowhere, accessible by snowmobile from mid-December to mid-May. You have to wait until the ice is thick enough to cross the many lakes and rivers. Unless you have the means to be dropped by plane (for it takes approximately $ 3,000) from Inuvik.

Now everything belongs to Jonah and when all conditions are met (enough money to fill the tanks, enough time to stay out of town, buddies to avoid travelling alone), it's good to spend a few days away from it all, to fish and hunt. For Jonah is the happiness getaway, the better the opportunities are rare.

April 22: so our luggage is all packed, including only the bare minimum. Food, clothes, sleeping bag, a few books. Jonah customized his sleigh on which Agathe and I will travel. A tall board will support our back. A layer of flattened cardboard topped with a mattress cover the bottom. "To travel like a queen" he's telling me! The gas cans are strung on the front. The cooler with sandwiches and hot coffee on the side strung between multiple cartons. I hold gun and rifle on the other side, I lie on the mattress, catche Agathe who I lodge between my legs. The temperature is close to 0°C (32°F). The sun shines. It is about 2 PM. Go!

Expected Travel Time: 6 to 7 hours, tracing the track. Landscapes scroll in the opposite direction of travel. Beautiful. Valleys, gorges, lakes, plateaus as far as we can see. The trail alternates soft snow, crusty, bumps land or ice.

On the sled we cling to what we can, we absorb bumps as we can. Attempting to counterbalance when the pads sink into gullies or catching on the fly a quickly fastened oil can. Slowly, we begin to see trees, first tiny pine groves as islands of miniature forest not exceeding one meter high. Then without making up a dense forest, trees are coarser, taller, thicker. These are basically spruces, similar to large fishbones stuck in snow, at the same time hairy, shaggy and ragged. Still those are actual trees with a good astringent resin smell when we put our nose on it.

Halfway through, we pause right after the Horton River meanders. This is the "gas station". This place with tanks we fed and let the surplus cans of fuel needed to ride back. Coffee break. Pee break. We stretch out, cracks sounds along the spine. Time to readjust our bones in the right order and go again! Another two hours and half. The snow is becoming deeper and hide some obstacles, including a sudden stump downhill. It blocks the sled's hauling ropes, causing a nice drift to Jonah's snowbmobile, and ejecting us in the powder. More fear than hurt. We shake ourselves, I'm in the snow up to mid-thigh! Reassured, we start over again.

Finally, only three miles left! We load a pile of dead trees, cut and stored by Jonah and Phil during their previous visit in February. Another lake, two lakes and there we are! Bekere lake! An ultimate propulsion help us climb a slope and we stop beside a terrace, ground floor with the lodge. I see a gleaming red roof edge, wooden siding facade interspersed with large windows and topped with a majestic trophy of caribou antler.

To be continued…


3 réflexions sur “Un break dans le bush, Bekere lake, 22 avril au 3 mai 2014 par CZH

  1. You travelled like a queen, indeed, but the slide was probably as « comfortable » as was a stagecoach at the time of the queens 🙂

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  2. C’est un grand grand plaisir de lire vos aventures et émotions. Plaisir du beau style et du suspense aussi !

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  3. Merci pour cette grande bouffée d’oxygène.
    Pour le coté « feuilleton » , c’est déjà fait depuis longtemps. Je suis frustrée quand je ne vois rien sur le blog pendant plusieurs jours.
    Enjoy your life. Kisses

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